La menace sismique méconnue au Québec

Andréanne Chevalier [email protected]
Publié le 20 octobre 2016

Adrian Wyld/The Canadian Press Des ouvriers s'affairent à nettoyer les dégâts à la suite d'un séisme de magnitude 5 survenu à Gracefield, en Outaouais, en 2010.

©Adrian Wyld/The Canadian Press

Lorsqu’on aborde le sujet des séismes, peu de gens pensent au Québec. Pourtant, la province est la deuxième zone sismique en importance au Canada, après la côte Ouest. Alors que se déroulera jeudi matin à 10h20 la Grande Secousse, un exercice planétaire de préparation aux tremblements de terre, TC Media brosse un portrait des risques de séisme au Québec.

Un exercice planétaire
À 10h20 jeudi matin, quelque 53 millions de personnes à l’échelle planétaire, du Japon à la Californie et de la Nouvelle-Zélande, en passant par Montréal, participeront à la Grande Secousse. D’après un sondage du Bureau d’assurance du Canada (BAC), seuls 30% des Québécois savent quoi faire en cas de séisme.

C’est pourquoi les participants à la Grande Secousse sont invités à pratiquer la méthode «s’abaisser, s’abriter et s’agripper». Dès les premières secousses, il faut s’abaisser au sol pour éviter les blessures dues aux chutes, s’abriter sous une table ou un bureau pour se protéger des débris et s’agripper à quelque chose de solide pour rester en place, d’après Guy Dufour, président de l’Association de la sécurité civile du Québec. On doit garder cette position jusqu’à 60 secondes après les derniers remous.

Surtout, il ne faut absolument pas se mettre à courir pour quitter le bâtiment où on se trouve, explique M. Dufour. Si on est à l’extérieur au moment du séisme, il faut se mettre au sol et tenter de s’éloigner de tout objet qui pourrait tomber, dont des branches d’arbre et des lampadaires.

M. Dufour recommande en outre que chaque ménage ait une trousse de survie avec de la nourriture et de l’eau pour survivre 72 heures. Chaque famille devrait aussi se donner des points de rencontre préétablis au cas où les systèmes de communication ne fonctionneraient plus.

Une particularité: des séismes intraplaques
À l’échelle mondiale, les séismes se produisent dans une proportion de 97% le long des lignes de contact des plaques tectoniques. Ce n’est pas le cas au Québec, un territoire situé à l’intérieur des plaques. «On est vraiment exceptionnel dans un sens», affirme Maurice Lamontagne, séismologue pour Ressources naturelles Canada (RNC). Les causes des tremblements de terre québécois sont sujettes à hypothèse de la part des chercheurs, avance quant à lui Michal Kolaj, analyste sismique pour RNC. Comme ce sont des phénomènes qui se produisent à des profondeurs de 5 à 25 km, il est difficile de vérifier «in situ» et de déterminer leur cause principale, précise M. Lamontagne.

Parmi les pistes d’explication, il y aurait le fait qu’une grande partie du Québec est située dans le bouclier canadien, qui est constitué de formations géologiques très anciennes, ayant connu plusieurs événements qui y ont laissé leurs empreintes, dont des failles, avance M. Lamontagne. Il est toutefois difficile de dire pourquoi certaines failles sont actives ou non. De plus, pour la région de Charlevoix-Kamouraska, l’impact d’un météorite, il y a 350 millions d’années, aurait pu contribuer à l’affaiblissement des failles dans cette région. M. Kolaj évoque aussi le fait que le fleuve Saint-Laurent était situé au bord d’une ancienne plaque tectonique, par exemple.

Les trois zones les plus propices aux séismes au Québec
L’Ouest du Québec: De Montréal au Témiscamingue, en incluant l’Outaouais et les Laurentides. La terre tremble dans la zone Ouest du Québec en moyenne tous les cinq jours.

Charlevoix-Kamouraska (ZSC): C’est la zone sismique la plus active de l’Est du Canada, là où les risques de tremblements de terre forts sont les plus grands. La plupart des tremblements de terre qui s’y produisent ont lieu sous le fleuve Saint-Laurent. Il se produit, en moyenne, un séisme à tous les jours et demi dans ce secteur.

Le Bas-Saint-Laurent (BSL): Un tremblement de terre tous les cinq jours, en moyenne, s’y produit, le plus souvent sous le fleuve Saint-Laurent et entre Baie-Comeau, Sept-Iles et Matane.

Il est à noter que les tremblements de terre d’une magnitude inférieure à 3,5 ne sont généralement pas ressentis.

L’aléa sismique au Québec. Les zones en rouge indiquent l’aléa le plus important. / Source: Ressources naturelles Canada.

Les risques
Les zones où les risques liés aux séismes sont grands sont quelque peu différentes des zones où on mesure une activité sismique importante. En effet, le risque sismique est calculé en prenant en considération l’aléa sismique (les probabilités qu’un séisme se produise à un endroit pendant une certaine période), mais aussi l’importance de la population et la vulnérabilité des édifices qui sont construits dans un secteur. «Par exemple, dans le nord du pays, l’aléa sismique est grand, mais le risque est considéré comme moyen», précise M. Kolaj.

«Pour Montréal, on pense qu’un séisme de magnitude 5 peut se produire environ tous les 150 ans», poursuit l’analyste sismique. Mais la marge d’erreur est importante: de 50 ans à 500 ans. Pour un séisme de magnitude 6, toujours à Montréal, la récurrence est d’environ un tous les 1000 ans. Dans la zone de Charlevoix-Kamouraska, un séisme de magnitude 7 pourrait se produire tous les 500 ans (marge d’erreur de 125 à 3000 ans). Il n’y en a eu qu’un seul de répertorié, en 1663.

Selon M. Lamontagne, un séisme de magnitude 7 et plus au Québec est très peu probable, en raison de sa situation à l’intérieur des plaques tectoniques. «Mais en science, c’est difficile de dire impossible parce que la nature nous surprend toujours.»

Les Québécois sont-ils prêts?
Est-ce que les Québécois sont conscientisés aux dangers des séismes dans leur province? «Non», répond sans équivoque Caroline Phémius, conseillère en affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada (BAC).

«Quand on pense aux tremblements de terre, on pense à la côte Ouest, on pense à d’autres pays, au Pérou, à Haïti, mais on ne pense pas nécessairement au Québec, juge-t-elle. Les séismes qu’on a au Québec sont de faible intensité. On ne les sent pas beaucoup, et quand on les sent, il n’y a pas de dommages. Les gens ont tendance à se dire,  »bof, si c’est juste ça un tremblement de terre, je n’ai pas à m’inquiéter. »»

Le BAC évalue qu’un séisme de force 7,1 sur l’échelle de Richter causerait des dommages de 61G$ au Québec, dont seulement 12G$ sont assurés. Moins de 3% des Québécois ont des assurances contre les séismes.

Risques de tsunami?
Un tsunami peut être provoqué à la suite d’un séisme de magnitude 7. Mais même si Montréal est une île, il n’y aurait pas de danger qu’un tremblement de terre cause un tsunami dans la région. À la hauteur de Québec, sur le fleuve, c’est la même chose. Le fleuve n’y est pas assez profond, fait valoir M. Lamontagne. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, où le fleuve est assez profond, des vagues pourraient être créées par un glissement de terrain sous l’eau. «On ne peut pas dire si un tsunami serait produit, mais ce ne serait pas comparable au Japon en 2011, car ce serait très localisé et de faible ampleur», confirme M. Lamontagne.

(Avec la collaboration de Jeff Yates)

 

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